SALLY NYOLO : 7e OPUS

 

 

Elle suit ses instincts, ses envies, joue de la musique et cela lui marche à merveille. Des quatre coins du monde, hommages et distinctions saluent sa carrière. Mais Sally Nyolo n’entend pas s’arrêter en si bon chemin, avec Tiger Run, son 7e opus, elle veut aller plus loin. Dans cet entretien à Afiavimag, elle revient sur sa vie d’artiste et livre quelques recettes  de cuisine du nouvel album.

Bonjour Sally Nyolo, voulez-vous bien vous présentez aux lecteurs d’Afiavimag ?

Bonjour, je suis musicienne, auteur, compositeur, interprète, producteur. Originaire du Cameroun, je chante souvent en Eton, mais aussi en Français, en Anglais et dans plusieurs autres langues (Arabe, Portugais, Espagnol,…). Je m’efforce de mobiliser les ressources des rythmes nés de l’Afrique, dans d’autres espaces et dans d’autres musiques, pour construire les ponts culturels et valoriser nos cultures.

«Tiger Run» est votre 7e album, il était très attendu par les mélomanes ; que représente-t-il pour vous-mêmes?

Tiger Run représente un travail un petit peu plus approfondi, sur un instrument à cordes d’origine Fang qu’est le Mvet. Il a été le véhicule qui a permis de voyager à travers d’autres sonorités : j’ai composé la plupart des chansons de cet album à partir de cet instrument et je me suis aussi inspirée de l’imaginaire lié à l’histoire du mvet, sa force supranaturelle. D’ailleurs, la métaphore du tigre utilisée pour la chanson Tiger Run et l’album éponyme, vient justement de mon nom de mvet : la fille des moustaches du tigre.

Combien de titres comporte cet opus et quels en sont les thèmes et sonorités ?

Il y a 10 titres dans cet opus. Les sonorités sont principalement le tricotage des cordes des guitares-balafon du bikutsi, le son rond des calebasses, et les mélodies solaires, chantées en polyphonie. On y parle de la nécessaire projection de l’Afrique dans le futur et les générations à venir (Tiga et Kilimanjaro), de la foi en l’être à travers l’amitié et les relations d’échange (Me So Wa Yen), du besoin de chacun de se dépasser, de faire tomber ce qui est tabou et la pensée stéréotypée, quand c’est raisonnable (Bidjegui, Welcome)…

 Comment se passe la promotion de Tiger Run, quelles sont les dates en vue ?

Tiger Run jouit déjà d’une belle visibilité. Avant-même sa sortie, la chanson Me So Wa Yen était nominée aux USA Songwriting Competition. Et dès sa publication, l’album est rentré dans les charts Europe en belle position. Autour du concert de lancement au New Morning, à Paris, on a eu une belle couverture francophone, et une belle présence en radio où on a d’ailleurs souvent joué en formation acoustique, avec mon band. Les concerts s’organisent et la prochaine date sera en Italie, pour un concert de soutien à la Casamance.

Jamais deux sans trois, dit-on : vous avez été lauréate du Prix Découverte RFI en 1997, puis de World Music Award  en 2012. Quelle distinction vous fera plaisir pour Tiger Run ?

En fait ma carrière a aussi été saluée à d’autres occasions… Meilleur artiste francophone (Québec, 2002), les hommages de la Sacem en 2005, Prix spécial du jury pour le Canal2’Or 2012, Chevalier de l’Ordre et de la Valeur (Cameroun, 2013), entre autres.

Je ne vise pas spécialement ce type de distinctions dans mon travail, mais cette reconnaissance par les professionnels est toujours très agréable, réconfortante. On espère donc que Tiger Run recevra d’autres distinctions, en plus de celle dont on parlait déjà, pour la chanson Me So Wa Yen.

Vous vivez en Europe depuis votre plus tendre jeunesse, comment êtes-vous parvenue à avoir une telle maîtrise de votre langue maternelle mais aussi de certains instruments traditionnels dans cet environnement culturel occidental ?

J’ai continué à pratiquer ma langue maternelle tout ce temps, en écrivant des chansons, en parlant avec la famille et plus récemment, avec quelques retours aux sources où je peux écouter parler les autres. Pour les instruments traditionnels, c’est surtout le travail. Je travaille beaucoup et j’apprends seule. Et je m’amuse en apprenant.

Est-il aisé en Europe de voyager entre traditions et modernités en musique sans être sommé de choisir un camp ?

Je ne vois pas de frontières dans la musique. Une note de musique, un son est beau et peut se dire dans tous les langages. Pour moi, c’est un bonheur de construire des ponts et je m’en fais une vocation et au-delà de la musique. Je ne choisis pas de camp, je suis mes instincts, mes envies et je joue la musique.

Pour vous, c’est quoi la world music ? Êtes-vous parfois choquée par cette étiquette ?

Oui, cette étiquette est choquante. Toutes les musiques font partie du monde. Pourquoi mettre cette étiquette, alors qu’on peut parler de rythmes ou d’autres choses… ?

Vous avez côtoyé  beaucoup d’artistes de renom au cours de votre carrière, quelle rencontre  a particulièrement enrichi votre approche musicale actuelle?

Il n’y a pas vraiment une rencontre plus que d’autres. Toutes les collaborations enrichissent l’expérience : avec les Zap Mama, avec Peter Gabriel, les rencontres musicales avec d’autres compositeurs au Brésil, ou aux Etats-Unis (comme avec les Spearheads)… Les expériences techniques avec les ingénieurs du son (David Bottril, l’ingénieur de Peter Gabriel, lors de mon premier album ; ou James Sanger, pour Tiger Run), me donnent une dimension et une compréhension du son. Certainement que l’expérience du chant accapella avec Zap Mama et de la polyphonie, avec les Pygmées lors de mes voyages en forêt, m’ont donné cette autre dimension du son et du chant.

Quels sont vos rapports avec vos compatriotes artistes qui résident au Cameroun ou à l’étranger ?

Dès le premier album, ils étaient très fiers et m’ont encouragée. Plusieurs titres sont restés dans les mémoires et sont joués jusqu’à aujourd’hui dans les cabarets. Il y a eu une génération qui s’est inspirée de cette recherche du son acoustique, du travail que j’ai fait avec la voix. Comme c’était beaucoup joué au pays, ils ont emporté la nostalgie de ces chansons et m’en font part quand je les rencontre sur scène que ça soit ici ou au pays. J’ai eu envie de retourner les rencontrer, comme dans l’album Studio Cameroun. J’aimerais renouveler cette expérience.

Concernant les artistes de la diaspora, j’en rencontre certains lors d’événements, de concerts et j’ai quelques amis avec qui je travaille régulièrement. Je suis toujours très fière et enchantée d’aller dans un pays et d’y croiser un Camerounais qui excelle dans mon domaine…

« Ma fille, suis ton chemin, écoute la voix et surtout fais dans la vie ce que tu as réellement envie de faire ». De qui sont ces propos et que vous inspirent-ils aujourd’hui ?

Ça aurait pu être toutes les femmes qui se disent mes mères : ma mère, mes tantes … La maman Anne-Marie Nzié m’avait parlé un peu comme ça, il y a longtemps. Mes tantes m’ont soufflé des murmures comme ça, quand j’apprenais à marcher et à entendre, il y a très longtemps aussi. Ma mère me l’a dit quand je lui ai annoncé que j’avais fait le choix de faire de la musique.

Les choix ne sont jamais faciles dans la vie, et ces mots m’inspirent la bienveillance qui est nécessaire pour soutenir quelqu’un qui cherche sa voie.

 

René Georges Bada & Augustin d’Almeida (Afiavimag)

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