L’échec du Mali à criminaliser les mutilations génitales féminines (MGF), permettant à cette pratique inhumaine de se poursuivre en toute impunité, a entraîné la violation des droits fondamentaux des femmes, a constaté le comité des droits de la femme des Nations unies.
Dans un rapport publié aujourd’hui, le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) a déclaré que des millions de femmes et de filles au Mali sont soumises à des « violations graves et systématiques de leurs droits » par le biais des MGF, une pratique traditionnelle qui implique l’ablation partielle ou totale des organes génitaux féminins externes pour des raisons non médicales.
La commission a souligné les souffrances considérables que cette pratique inflige aux femmes et aux jeunes filles dès leur plus jeune âge.
« (Elle) a de graves effets sur la santé physique et psychologique, y compris la santé sexuelle et reproductive, et affecte le développement de la victime à la fois immédiatement et tout au long de sa vie », a déclaré la commission. Le rapport note également que certaines filles sont mortes après l’intervention.
La nature étendue et organisée des violations est également détaillée. Le Mali a une population totale d’environ 20 millions d’habitants ; environ la moitié des Maliens sont des femmes. « En 2015, 82,7 % des femmes âgées de 15 à 49 ans et 76,4 % des filles âgées de 0 à 14 ans avaient subi des mutilations génitales féminines. Le caractère systématique découle également du fait que l’État partie n’a délibérément pas interdit cette pratique, entravant l’accès des victimes à la justice et permettant qu’elle se poursuive en toute impunité », indique le rapport.
Le Mali a la plus forte prévalence de MGF parmi les pays d’Afrique de l’Ouest, dont la plupart, notamment le Nigeria, le Sénégal et le Togo, ont adopté des lois interdisant cette pratique, indique le rapport. Les recherches indiquent une réduction significative de la prévalence dans les pays où les gouvernements ont adopté et appliqué des sanctions pénales contre les MGF.
Le Mali a ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en 1985 et a adhéré au protocole facultatif en 2000. Le gouvernement a proposé à plusieurs reprises entre 2002 et 2017 des projets de loi visant à interdire les MGF et la violence sexiste, mais n’a pas réussi à adopter ces projets de loi en raison de l’opposition des chefs religieux.
Dans son rapport, le Comité conclut que le Mali n’a pas respecté son obligation de diligence raisonnable pour adopter et appliquer une loi interdisant les MGF, violant ainsi le droit des femmes maliennes à vivre à l’abri de la violence et de la discrimination fondées sur le sexe.
Le Comité a formulé 31 recommandations d’action. Celles-ci comprennent l’adoption du projet de loi sur la prévention et la répression de la violence sexiste, la fourniture d’une assistance aux victimes et l’instauration d’un dialogue national sur les MGF.
Les membres du Comité se sont rendus au Mali en décembre 2018 pour mener une enquête confidentielle sur les allégations des organisations de la société civile selon lesquelles les femmes maliennes auraient subi des MGF et que peu de progrès auraient été réalisés pour les éliminer. Le Comité a souligné qu’il avait reçu l’entière coopération du gouvernement du Mali à tous les stades de la procédure. À cet égard, il reste prêt à continuer à travailler avec le gouvernement, les chefs religieux et communautaires et les autres parties prenantes à la mise en œuvre du programme national de lutte contre les MGF dans tout le Mali.
SOURCE Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme