Le développement inadéquat des compétences et la faible productivité plombent la compétitivité et la diversification économique des pays de l’Afrique centrale. Toutefois, en tirant profit des expériences de l’Ethiopie, du Japon et de l’Afrique du Sud, entre d’autres, ces pays peuvent re-outiller leurs ressources humaines afin de devenir plus développés, prospères et résilients aux chocs externes.
Ceci est le sens global que des experts internationaux ont donné aux échanges menés en visioconférence ce 30 juillet 2020 et organisé par le Bureau Sous-régional pour l’Afrique centrale de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA). L’événement virtuel était le deuxième segment d’une série de réunions interactives conduisant à la 36ème session du Comité Intergouvernemental des Hauts Fonctionnaires et des Experts (CIE) pour l’Afrique centrale qui se tiendra vers la fin de cette année sous le thème : « Compétences pour la diversification économique en Afrique centrale ».
Au cours dudit webinaire sur le thème « bâtir des compétences pour la diversification économique en Afrique centrale : tirer parti des expériences et réussites d’ailleurs », les experts ont planché sur les modèles pouvant faire l’objet d’appropriation par les pays de la sous-région afin de booster les mutations économiques nécessaires.
Jean Luc Mastaki, Chef de la Section de la Politique de Diversification économique et des Réformes du bureau sous régional Afrique centrale de la CEA a présenté les caractéristiques d’un système efficient de compétences. Il doit être réactif parce que capable de s’adapter à la demande (industrie, entreprises, secteur public, secteur privé, employeurs).
« Les systèmes de production de savoir et d’innovation doivent être convergents avec les besoins des potentiels employeurs », a-t-il évoqué. Autre caractéristique, l’efficience de l’offre. Un système de production des compétences doit fournir des produits prêts à être utilisés et prêt à intégrer la division du travail des entreprises.
Selon l’économiste, « l’inclusivité du système, son accessibilité par le coût pratiqué et sa prise en compte de la transférabilité des compétences dans un contexte de libre circulation constituent d’autres spécificités d’efficience ».
En Afrique centrale, la réussite de cette mutation nécessite des canaux de transmission efficaces. Les zones économiques spéciales (ZES) apparaissent comme plus pertinentes. Elles se présentent comme des outils d’industrialisation et de diversification économique. Mais encore, ce sont des tuyaux de développement des compétences très féconds. Au sein des ZES, les industries et les instituts de formations ont la possibilité d’assurer un continuum entre enseignements théoriques et pratiques et la réalité de terrain en entreprise.
Deux illustrations en termes de bonne pratique s’offrent à la sous-région : la Learning Factory situé dans le Raufoss Industrial Park en Norvège et l’initiative de l’Oslo Metropolitan University qui met en partenariat la formation technique et les PME sur les innovations technologiques.
L’expérience japonaise
Intervenant depuis le Japon, Shoko Yamada de l’Université de Nagoya a estimé que les pays d’Afrique centrale pourraient se focaliser sur le modèle de ZES transnationales. Celles-ci se spécialiseraient sur la transformation des ressources minérales entre autres. Le potentiel pour des effets boule de neiges y est considérable et pourrait produire un embrasement qui se répercuterait positivement sur d’autres secteurs économiques.
Prenant appui sur le miracle économique asiatique et le développement des compétences après la deuxième guerre mondiale, elle a indiqué que 3 messages clés peuvent être retenus : « le positionnement de la technologie comme moteur de la croissance ; l’adaptabilité des programmes et politiques de formation ; et le diagnostic précis des compétences comme point de départ de l’industrialisation et de la diversification économique ».
La formule éthiopienne de substitution des importations
La diversification économique qui s’accompagne de l’ ‘import-substitution’ a permis à l’Ethiopie de renforcer le développement de ses compétences, a souligné Nabiyeleul Gessese Zellele universitaire éthiopien spécialisé en ingénierie et chimie industrielle. Le pays a arrêté d’importer des compétences (mains d’œuvre), des intrants agricoles et industriels pour les produire localement.
Les autorités politiques ont reformé les systèmes de renforcement des compétences et des savoirs afin de développer une certaine autosuffisance économique. Les secteurs prioritaires ont été : l’aviation, l’agro-industrie et la tannerie.
La priorisation et la politique d’import-substitution de l’Ethiopie a permis au pays de se spécialiser, développer une véritable savoir-faire et exporter en Afrique et vers des marchés occidentaux ses services et biens dans ces secteurs.
Le cuir d’Ethiopie fait le charme dans l’industrie de la mode avec des chaussures haut de gamme. En matière d’investissement dans ce secteur, les joint-venture représentaient 3%, les investissements directs étrangers (IDE) 45% et l’investissement local 52%.
Ethiopian Airlines fait la fierté du continent africain. C’est la principale source de rentrée de devises du pays.
Aujourd’hui, le pays vient de mettre sur le marché le premier véhicule électrique complètement assemblé sur son territoire. Pour tous ces produits et services, la zone de libre-échange continentale africaine sera une aubaine, a fait remarquer Zellele.
C’est dire que c’est dans une perspective de substitution des importations que les ZES sont identifiées pour la sous-région Afrique centrale. Ainsi, des critères objectifs doivent être pris en compte. Au nombre desquels, la compétitivité et le potentiel de croissance, le potentiel de réduction de la pauvreté, la probabilité de succès, l’impact sur l’emploi. L’intérêt de ces parques industrielles repose sur la concentration des entreprises en un endroit précis avec des facilités ce qui accroit l’attractivité in des investissements directs étrangers.
Des leçons d’Afrique du Sud
Il est évident que les pays de l’Afrique centrale font toujours face au défi de la technologie et des capacités en ingénierie. L’expérience sud-africaine renseigne sur les volants d’appropriation.
Saliem Fakir, Directeur Exécutif de l’African Climate Foundationa, sur ce sujet, a démontré qu’à travers des joint-ventures avec des compagnies étrangères, le transfert de technologie a été effectué en Afrique du Sud. L’Afrique du Sud est certes un pays minier par essence. Mais le pays exporte également des produits manufacturiers, des expériences et des savoirs. Ceci a été rendu grâce au bon fonctionnement des industries manufacturières (armement, raffinage de pétrole, ciment).
La création des programmes phares universitaires en ingénierie dans un premier temps et des unités de formation dans les zones économiques spéciales plus tard ont permis de préparer la main d’œuvre. Le pays a en plus spécialisé les ZES. C’est le cas de Cape Town qui se focalise spécifiquement sur les activités ayant trait à l’économie verte.
Le haut degré d’expertise du pays dans le domaine des énergies renouvelables a été rendu possible grâce au réoutillage de ses étudiants en ingénierie. «Cela démontre que vous n’avez pas toujours à attendre que de nouvelles compétences se développent. Vous pouvez réadaptés les compétences existantes pour de nouvelles industries », a expliqué Fakir.
Les pays d’Afrique centrale doivent donc garder à l’esprit que les universités peuvent être lentes à combler le manque de compétences. « Nous devons donc réfléchir à des opportunités telles que des centres de formation spéciaux», a déclaré Fakir.
Même s’il est vrai que pour des questions de politique économique, l’économie verte a subi un coup car l’Afrique du Sud demeure dominé par l’exploitation du charbon pour générer son électricité.
SOURCE Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique