Ca chauffe de plus en plus entre les deux hommes.
Dans un entretien accordé au Figaro le 9 août dernier, l’ex capitaine des Bleus, fils d’un diplomate guinéen, fait une mise au point. Les mauvaises langues diront que Dugarry recrute.
« C’est facile de dire qu’avec un autre capitaine que moi les choses se seraient déroulées différemment… Il a sali mon nom sans chercher à savoir ce qui s’était passé. Lilian se prend à la fois pour le nouveau sélectionneur, le président de la fédération et le président de la République. Il se comporte comme le leader du foot français en mettant son départ dans la balance s’il n’y a pas de sanction ».
Evra n’a pas digéré les propos de Thuram. Ce dernier exige son exclusion définitive de l’équipe de France.
Pour le dire autrement : la tête du « Sénégalais »* sur un plateau.
« Il ne suffit pas de se balader avec des livres »
Remonté, celui qu’on présente comme « le meneur » du fiasco africain, enfonce le clou. Quitte à choquer les fans de Thuram et ses conseillers politiques : « Il est temps que Lilian arrête de jouer un rôle qui n’est pas le sien en disant que les Bleus contribuent à faire augmenter le racisme. Il ne suffit pas de se balader avec des livres sur l’esclavage, des lunettes et un chapeau pour devenir Malcolm X…»
Agacé par son image de marque, son « moralisme », ses sermons aux accents luthériens, Patrice Evra rafraîchit les mémoires : « En dépit de ses beaux discours sur l’absence d’états d’âme, Thuram avait refusé de s’échauffer avant le match décisif contre l’Italie lors de l’Euro 2008. Il venait d’apprendre qu’il n’était pas titulaire… À l’époque, il jouait aussi l’amnésique en interpellant certains joueurs uniquement par “oh ! jeune ».
Match nul.
Toujours est-il que l’intransigeance de « l’ancien » a de quoi surprendre.
Acharnement, opportunisme, zèle, obsession de la pureté ?
En tout cas, jouer les pères fouettards, les « Robespierre » du ballon, fait jaser.
Pour certains, Thuram, par cette stratégie, compte s’imposer comme l’homme de la situation au sein de la Fédération française de football.
Pour d’autres, il instrumentalise Evra pour s’assurer le soutien des Républicains, ses nouveaux parrains.
Montrer, après Mes étoiles noires, qu’il n’est pas un communautariste enragé.
Que le Contrat social de Rousseau (« la volonté générale », « le vivre ensemble ») prévaut désormais sur la question noire en France. Qu’il est bien à sa place.
Que la « repentance », c’est du passé.
Peau Noire, Masque blanc pour un nouveau départ ?
La question est posée.
Enfin, comment ne pas voir dans ce bras de fer, l’application locale de la déchéance de nationalité – l’exclusion définitive de l’équipe de France – pour les « caïds » qui s’en prennent aux symboles de la nation (blocage du bus, grève de l’entraînement) ?
La coïncidence avec l’actualité est, on ne peut plus troublante.
Paul Moffen (Afiavimag)
Voir aussi
« Pourquoi Thuram remet-il de l’huile sur le feu ? » Le Figaro.fr, article de Cyrille Haddouche.
Franz Fanon, Peau noire et masque blanc, éditions Seuil, 1952.
Lilian Thuram, Mes perles noires, éditions Philippe Rey, 2010.
*Patrice Evra est né à Dakar, au Sénégal.