Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM), une partie de la population de ces quatre points chauds les plus préoccupants connaît déjà « une situation de faim critique ». Un rapport de ces deux agences onusiennes avertit que l’escalade des conflits ainsi qu’une nouvelle réduction de l’accès humanitaire pourraient entraîner un risque de famine.
« Nous sommes à un tournant catastrophique. Une fois de plus, nous sommes confrontés au risque de famine dans quatre parties du monde à la fois », a déclaré Margot van der Velden, Directrice des urgences du PAM.
« Lorsque nous déclarons une famine, cela signifie que de nombreuses vies ont déjà été perdues. Si nous attendons d’en être sûrs, les gens sont déjà morts », a-t-elle prévenu.
Le système d’alerte précoce des points chauds d’insécurité alimentaire aiguë de l’ONU décrit à ce stade, une combinaison toxique de conflits, de déclin économique, de conditions climatiques extrêmes et de la pandémie de Covid-19, qui pousse plus profondément les gens dans la phase d’urgence de l’insécurité alimentaire.
Le nombre de personnes souffrant de la faim a triplé au Burkina Faso
C’est le cas du Burkina Faso, qui a enregistré la plus forte augmentation. Le nombre de personnes souffrant désespérément de la faim a presque triplé par rapport à 2019. La FAO et le PAM expliquent cette détérioration de la situation par l’augmentation des conflits, des déplacements ainsi que l’impact lié au coronavirus sur l’emploi et l’accès à la nourriture.
La dernière analyse du Cadre intégré de classification de la phase humanitaire et de la sécurité alimentaire (CIC) publiée en juillet 2020 a d’ailleurs confirmé que deux provinces du nord du Burkina Faso (Soum et Oudalan) sont déjà en situation d’urgence (phase 4).
Et plus de 11.000 personnes sont en situation de catastrophe (phase 5 du CIC), « dans un contexte de détérioration significative de la sécurité alimentaire et de problèmes de déplacement et d’accès liés à un conflit rapide et généralisé ».
Toujours en Afrique de l’Ouest, la situation reste aussi préoccupante au nord-est du Nigéria. Dans cette partie du pays le plus peuplé du continent africain, la principale récolte en cours est cruciale pour améliorer l’accès à la nourriture dans les zones les plus touchées par l’insécurité alimentaire.
« Bien que certains signes indiquent de bonnes perspectives de production, des inquiétudes subsistent pour les zones touchées par le conflit, et en particulier les parties de l’État de Borno où l’accès à l’aide humanitaire est fortement limité », note le rapport conjoint du PAM et de la FAO.
La situation est également « désastreuse » au Yémen, où l’insécurité alimentaire actuelle, combinée au conflit et à l’aggravation de la crise économique, pourrait entraîner une nouvelle détérioration d’une insécurité alimentaire déjà critique.
« Ce rapport est un appel clair à l’action urgente », a déclaré Dominique Burgeon, Directeur de la Division des urgences et de la résilience de la FAO.
Seize autres pays fortement menacés dont une dizaine en Afrique
La FAO et le PAM redoutent l’impact combiné de plusieurs crises qui érodent la capacité des populations à produire et à accéder à la nourriture. Une situation qui laisse ces populations vulnérables de plus en plus exposées au risque de la faim la plus extrême.
« Nous devons avoir accès à ces populations pour leur assurer la nourriture et les moyens de produire de la nourriture et d’améliorer leurs moyens de subsistance afin d’éviter le pire », a fait remarquer M. Burgeon.
Le Burkina Faso, le nord-est du Nigéria, le Soudan du Sud et le Yémen) sont pourtant loin d’être « les seules zones rouges ». D’autres niveaux d’insécurité alimentaire aiguë atteignent de nouveaux sommets à l’échelle mondiale, sous l’effet d’une combinaison de facteurs, note le rapport.
Seize autres pays sont fortement menacés par l’augmentation des niveaux de faim aiguë : l’Ethiopie, la Somalie, le Cameroun, la République centrafricaine (RCA), le Mali, le Niger, la Sierra Leone, la République démocratique du Congo (RDC), le Mozambique, le Zimbabwe, le Soudan, Haïti, le Venezuela, le Liban, la Syrie et l’Afghanistan.
En RDC, l’ONU estime même à 22 millions le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire aiguë. Il s’agit du nombre « le plus élevé jamais enregistré pour un seul pays ».
Tant en Éthiopie qu’en Somalie, les niveaux déjà élevés d’insécurité alimentaire aiguë risquent aussi d’être exacerbés par les mauvaises prévisions pour la saison des pluies de « Deyr-Hageya » (octobre-décembre), ainsi que par les troubles civils, l’insécurité croissante et les retombées économiques de la Covid-19.
« Agir aujourd’hui ou perdre demain des vies de manière inadmissible »
« En 2011, la Somalie a souffert d’une famine qui a tué 260.000 personnes. La famine a été déclarée en juillet, mais la plupart des gens étaient déjà morts en mai. Nous ne pouvons pas laisser cela se reproduire. Nous avons un choix difficile : agir aujourd’hui ou perdre demain des vies de manière inadmissible », a averti Margot van der Velden, directrice des urgences du PAM.
Au total, 20 pays sont davantage exposés à un risque de détérioration de l’insécurité alimentaire aiguë. D’une manière générale, les principaux facteurs de la faim sont l’expansion et l’intensification de la violence, les crises économiques exacerbées par l’impact socio-économique de Covid-19, les conditions météo extrêmes, les menaces transfrontalières comme l’invasion de criquets pèlerins et le manque d’accès humanitaire.
La famine est le niveau le plus grave des cinq phases du Cadre intégré de classification de la phase humanitaire et de la sécurité alimentaire (CIC) pour déterminer les degrés croissants d’insécurité alimentaire. Lorsque cette phase extrême est déclarée, cela signifie que les gens ont déjà commencé à mourir de faim.
C’est la raison pour laquelle, le rapport de la FAO et du PAM insiste sur l’urgence de prendre immédiatement des mesures. Faute de quoi, « le monde pourrait connaître sa première famine depuis sa dernière déclaration en 2017 dans certaines régions du Soudan du Sud ».
L’objectif est donc d’éviter une urgence majeure – ou une série d’urgences – dans trois à six mois. Plus largement, l’évolution de la situation dans les pays les plus à risque dépendra finalement de la dynamique des conflits, des prix des denrées alimentaires et de la myriade d’impacts de la pandémie de Covid-19 sur leurs systèmes alimentaires, des précipitations et des résultats des récoltes. Mais l’accès humanitaire et la volonté des donateurs de continuer à financer l’aide seront aussi déterminantes.
SOURCE Centre d’actualités de l’ONU