JE NE SUIS PAS UNE DANSEUSE ORIENTALE ou pour en finir avec les 1001 nuits

Sous le terme de danse orientale, on voudrait rassembler une multitude de danses qui angloble autant les danses du Maghreb (Afrique du Nord) que celles du Machrek (Irak, Syrie, Liban, Jordanie). Il est louable que des danseurs et danseuses se battent aujourd’hui pour donner une reconnaissance et une légitimité à la danse orientale dans le monde artistique. Mais moi, je ne suis pas une danseuse orientale. La danse orientale fait référence à une forme esthétique, un genre qui nait en Egypte entre orientalisme et imaginaire colonial. Par quel phénomène de complaisance, paresse, opportunisme; a t’ont laissé toute les danses du monde arabe (qui représente 22 pays constitué de tant de peuples, de régions que de danses), être rassemblées sous le terme de « danses orientales » ? Et que veut dire orientale en fait ? Qui est oriental aujourd’hui ? Dans un contexte où ces stéréotypes sont si ancrés, j’ai fini par comprendre que je ne gagnerais jamais… Alors, Au lieu de rester sur le chemin de l’Est (Orient ou Sharqi), j’ai tournée mon regarde vers le sud. Et je suis partie et j’ai posé mes quartiers au cœur du Sahel pendant 8 ans, pour aller plus loin dans ma recherche sur les rituels et les danses traditionnelles du Maghreb (Libye, ALgérie, Soudan, Tunisie, Mauritanie, Maroc). Par l’observation, la pratique, la rencontre, la recherche et la quête (je suis née en France de parents algériens) j’ai trouvé ce qui pour moi est essentiel : l’africanité de ces danses. C’est à dire leur connexions aux éléments cosmiques, à l’ancrage à la terre, à la transe, à l’espace poétique. Leur capacité à nous mener au cœur des patrimoines et matrimoines de l’humanité. Pour sortir des poncifs vulgaires et approximatifs, je me suis écartée de la danse orientale – qui à mon sens est par ses codes une pratique occidentale -, pour me tourner vers une démarche qui s’appuie sur la décolonisation de la pensée. Pour qu’il n’y est plus d’amalgame, je me suis écartée de la danse orientale et me suis affranchie de sa terminologie. En refusant de participer à des événements qu’ils soient artistiques ou pédagogiques placés sous cette bannière. En refusant de collaborer avec des programmateurs ignorants. Car je savais que le changement ne viendrait que par et avec des personnes qui en comprendrait l’enjeu artistique, spirituel, historique et sociétal. Œuvrant dans l’ombre, construisant un autre univers, travaillant dans la richesse de ces savoirs trop souvent occultés, j’ai développé ma technique : la danse d’InTranse El Hâl. Un art du mouvement d’aujourd’hui qui garde le sens et l’esprit de ces pratiques : l’art de la présence et de la connexion. Aujourd’hui, après toutes ces années, je commence à être visible dans ma démarche. On m’invite dans des festivals, des expositions, des institutions qui propose un regard engagé sur la création contemporaine. Où je peux m’amuser à jouer des vieux codes éculés et inventer d’autres points de vue. Ainsi, Mémoire de la femme jument, où la mémoire et les traces chez les enfants d’immigrés ; Archi Dansé, une approche corporelle et sensitive de la conception de l’espace dans la monde arabe en résonance avec l’architecture musulmane ; Mlerfe, un autre regard autour du voile par le drapé antique de la Grèce au Sahara ; Mon âme par la Hadra sauvée, une recherche sur la couleur et les symboles dans les rituels de dépossession ; Paris, Alger Tombouctou et retour, le voyage aux pays des origines ; Matimoines intangibles, un mise en lumière des héritages ancestraux que les femmes de ces régions nous transmettent, … Ainsi, Je partage l’art du Hâl, ou état de présence divine, avec des enfants, des vieux, des femmes et des hommes, au fin fond de lieux oubliés de Dieu, Avec des jeunes issus des diasporas avides d’authenticité et de respect, Avec des hommes et des femmes ouverts qui échappent aux discours convenus, Avec des artistes qui veulent mettre de l’âme dans leur technique Alors, on sait que les idées reçues ont la vie longue, et on demande QU’EST CE QUE CELA AURAIT A VOIR AVEC LA DANSE ORIENTALE ?

Chorégraphe et voyageuse, Saïda Naït-Bouda fonde sa recherche sur les arts et cultures traditionnels d’Afrique du Nord. Elle en extrait des spectacles, des ateliers, des rencontres, des transmissions de bien être et de savoir être.

+d’infos:

Danses de transe et rituels El hâl

Leave a Comment