« Mémoires Vives. Une Histoire de l’Art Aborigène » (Article publié 15 oct 2013)

 

L’exposition se présente comme une introduction à l’histoire de l’art aborigène australien dans sa relation à l’ancien et au moderne. Le parcours confronte objets traditionnels et œuvres contemporaines pour comprendre les transformations et le dynamisme de cette tradition artistique vieille de plus de 40 000 ans, à l’origine de nombreux mouvements contemporains en Australie.

Comment expliquer en effet qu’un peuple longtemps et injustement perçu par les européens comme le plus « primitif » et le plus matériellement démuni au monde soit porteur d’une pensée et d’une création si riche et si résolument moderne.

C’est à cette inversion du regard que l’exposition nous invite.

La colonisation européenne de l’Australie à la fin du 18ème siècle a provoqué une dislocation partielle des 250 cultures aborigènes qui vivaient sur le continent. L’art rituel, au cœur de la vie religieuse et sociale aborigène, a cependant réussi à survivre dans de nombreuses régions et à constitué la base de nouvelles formes d’art qui ont émergé comme réponses créatives à la colonisation européenne. Dessins sur le sable, peintures sur le corps ou sur la roche, gravures sur bois ont ainsi été transposées sur de nouveaux supports mobiles et permanents: écorces, toiles, photographies, vidéos, installations révélant une profonde capacité d’innovation tant formelle que conceptuelle. Alors que la plupart des pratiques traditionnelles donnent à voir l’origine mythique de lieux sacrés, les œuvres actuelles participent aussi à définir la place des artistes autochtones dans un monde globalisé.

De nombreux artistes aborigènes aux influences interculturelles variées réinterprètent aujourd’hui la culture matérielle de leurs ancêtres et lui confèrent un sens nouveau, posant la  question de la place des artistes non occidentaux dans la société australienne et dans le monde. C’est donc ce mouvement de renaissance d’une culture ancienne que l’exposition se propose de montrer en reliant des œuvres contemporaines à leurs sources traditionnelles.

Dans un parcours thématique de 800m2, l’exposition présentera une sélection d’environ 150 œuvres de 60 artistes aborigènes et non aborigènes, issues d’importantes collections publiques et privées, rassemblant objets anciens, artefacts, peintures à l’ocre sur écorce, peinture acrylique sur toile, photographies, œuvres vidéos et installations.

L’exposition se divise en deux grands ensembles dévolus respectivement aux aspects historiques puis formels de l’art aborigène.

  1. Histoire

La première partie présentera une approche historique de la culture et de l’art aborigène, avant et après le contact colonial.  Cette première phase de l’exposition permettra au public de comprendre ce que sont tradition et modernité dans la culture aborigène, avant de voir dans la partie suivante   comment ces deux concepts s’entrecroisent.

L’Australie pré-contact : 60 000 ans d’histoire

Malgré des difficultés à cerner l’histoire de l’Australie pré-contact, les datations des peintures rupestres, les récits mythiques du Dreaming (temps du rêve) et les témoignages oraux nous permettent de comprendre les grandes étapes du développement de la société aborigène avant le choc colonial.

Seront ici exposées les principales caractéristiques de la culture aborigène traditionnelle à travers le concept de Dreaming, l’art pariétal et la culture matérielle. A chaque étape des œuvres ou documents anciens seront confrontés à leur réinterprétation contemporaine. Une installation vidéo du Pathway Project, coréalisée par quatre anciens Ngarinyin, permettra  de découvrir la réalisation récente d’une peinture sacrée « Gwion-Gwion » sur roche.

Contact colonial : résistance et adaptation

Ici, le parcours s’attachera à détailler les grandes étapes de l’histoire coloniale australienne et les  différentes stratégies autochtones de résistance et d’adaptation à la colonisation, dans leurs aspects artistiques. L’art contemporain aborigène dans sa grande diversité est considéré comme l’aboutissement de cette réponse culturelle à la colonisation. Des objets et œuvres aborigènes du 19èmes siècle exposés à l’exposition universelle de Paris en 1867, les premières peintures sur écorce et plusieurs peintures acryliques de Papunya des années 1970 seront montrées au public. Des œuvres d’artistes contemporains seront aussi présentées pour mettre en perspective les documents historiques.

II- Formes

 La deuxième partie de l’exposition sera consacrée aux formes de l’art aborigène et à leurs transformations. Il s’agira ici de présenter les croisements constants entre tradition et modernité, et la  nature profondément interculturelle de l’art australien.

 Empreinte et transformations comme principe artistique.

 Cette section installée sur une large mezzanine, propose un rapprochement entre sources anciennes et innovations contemporaines en montrant comment certains symboles classiques circulent sur de multiples supports (sable, bois, corps, toiles, néons, vidéos) et sont porteurs des sens différents. Cet espace permettra au public de comprendre ce qui fait la spécificité et le dynamisme du système graphique aborigène.

Croisements : un art contemporain interculturel.

 La dernière grande salle du parcours approfondira cette perspective en montrant comment les objets traditionnels font l’objet de réinterprétation artistique marquée par des influences interculturelles variées. Ces croisements et métissages sont au cœur de la création aborigène, qu’ils résultent d’échanges internes entre groupes aborigènes, ou d’influences étrangères, occidentales en premier lieu mais aussi asiatiques et mélanésiennes. Cet ultime étape contribuera à faire comprendre les réalités contemporaines des cultures aborigènes confrontées au défit de la mondialisation et à la transmission de leur héritage.

C’est donc à une découverte et à une inversion du regard que l’exposition nous invite.

Paul Matharan et Arnaud Morvan

Commissaires de l’exposition.

 

 

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