« Sur les épaules des autres »  L’évolution du pouvoir politique des Afro-américains.

Des journalistes et des analystes ont remarqué la signification de la date
choisie par Barack Obama pour donner son discours d’acceptation de la
nomination aux présidentielles. Quarante-cinq ans après le célèbre discours
de Dr. Martin Luther King, Barack Obama incarnera son rêve, les Afro-
américains ne languissent plus « dans les marges de la société américaine, des
exilés dans leur propre terre ». Pour la première fois dans l’histoire des Etats-
Unis, un Afro-américain a une forte possibilité de devenir le Président des
Etats-Unis.
Le phénomène Obama, une poudre aux yeux ?
La candidature de Barack Obama a provoqué une vague d’observations et de
conjectures sur la « question raciale » aux Etats-Unis. Certains sont amenés à
conclure que les Etats-Unis est en train de devenir une société « post-raciale ». Les
mêmes personnes s’interrogent sur la fin des black politics. Dans un article qui paru
le 6 août 2008 dans le New York Times intitulé « Is Obama the End of Black
Politics ? », l’auteur soutient qu’une nouvelle génération des élus noirs, issus des
élites universitaires, s’intéressent plus à représenter les intérêts universels que ceux de
la communauté noire. Il se demande si « les black politics ne sont pas en train de
disparaître dans la politique américaine de la même façon que les réseaux irlandais et
italiens ont rejoint il y a longtemps le mainstream politique » 1 .
Pourtant, est-ce qu’on croit vraiment que, dans une société qui a asservi une partie de
sa population pendant 246 ans et a institutionnalisé des lois racistes pour continuer
d’opprimer ce même peuple, peut changer dans une génération ? Dans un pays où la
discrimination dans les secteurs du travail et du logement persiste et les séquelles de
l’oppression antérieure continuent d’avoir un effet sur la communauté noire ?
L’abandon des citoyens Noirs et pauvres par le gouvernement après le passage de
l’ouragan Katrina, l’impact disproportionné de la récession et de la crise immobilière
aux USA sur les communautés de couleur démontrent la fausseté du rêve post-raciale.
Bien que l’hypothèse d’une société ‘post-raciale’ semble exagérée, on ne peut pas nier
l’évolution et la progression du pouvoir politique des Afro-américains aux Etats-Unis.
Depuis la Proclamation d’Emancipation, le statut des Noirs a changé. Ils sont devenu
une force politique incontournable dans la société américaine.
Lors de la Convention Démocrate de 1988, Jesse Jackson a commencé son discours
en invitant Rosa Parks sur le podium avec les mots suivants : « Tous ceux d’entre
nous qui croient qu’on est assis mais, en fait, on se tient tous sur les épaules des
autres ». La candidature de M. Obama se tient sur les épaules de toute une histoire
récente qui a rendu sa candidature possible.

1 BAI, M., “Is Obama the End of Black Politics?” New York Times, 6 aout 2008.

Reconstruction
Après la Guerre de Sécession et la défaite des Etats Confédérés, le gouvernement
de la nouvellement réunie république américaine entreprenait le processus de
reconstruction de la société. On appelle cette période la Reconstruction.
Dans la suite de la guerre, les efforts fédéraux pour assurer l’équité raciale ont pris
une nouvelle dimension. Pendant cette époque, datée, selon certains historiens, de
1863 à 1877, ou, selon d’autres, de 1865 à 1877, le gouvernement a adopté trois
amendements à la Constitution. En 1865, le 13 e amendement a aboli l’esclavage. Le
14 e amendement, ratifié en 1868 a garanti aux Noirs la citoyenneté de l’Etat fédéral et
de l’Etat local. Et, finalement, le 15 e amendement, ratifié en 1870, a assuré aux
hommes Noirs le droit de vote en interdisant aux Etats et au gouvernement fédéral de
priver les citoyens de leur droit de voter « à cause de race, couleur ou condition
antérieure de servitude ». Dans les années qui suivirent, le Congrès a fait passer le
Civil Rights Act et le Reconstruction Act qui a dissout les gouvernements de tous les
Etats Confédérés – à l’exception du Tennessee – et a divisé le Sud en cinq districts
militaires afin de protéger les droits des Noirs récemment libérés. Cet acte a requis la
ratification des constitutions des anciens Etats Confédérés pour accorder les droits de
citoyenneté aux Noirs ou perdre leur représentation au Congrès.
Ces années se sont avérées aussi être une période bénéfique pour l’élection des
officiels Noirs. Pour la première fois, les Noirs ont gagné et exercé le pouvoir
politique dans les Etats du Sud et au niveau national. Ils ont participé dans le corps
législatif de tous les Etats, ont servi comme gouverneur adjoint dans le Mississippi, la
Caroline du Sud, et la Louisiane. Quatorze Afro-américains ont servi dans la
Chambre des représentants et deux dans le Sénat. Des Noirs collaboraient aussi avec
leurs confrères Blancs aux conventions des Etats du Sud, organisé par les officiels
fédéraux pour écrire les nouvelles constitutions. En tout, plus de 1500 hommes Noirs
ont été élus pour occuper des postes pendant cette période 2 .
Cette expérience a été brutalement arrêtée par le Compromis de 1877 qui a permis au
candidat républicain, Rutherford Hayes, de gagner l’élection de 1876 sur la base des
voix électoraux contestés du Sud en échange du retrait des troupes fédérales du Sud.
Mouvement pour les droits civiques
Après le Compromis de 1877 et la fin de Reconstruction, les Blancs dans le Sud ont
repris le pouvoir politique. Les droits de vote des Noirs étaient supprimés, la
ségrégation imposée, et la violence contre les Noirs ont accru. On a nommé ce
système de discrimination raciale et d’oppression, qui a émergé dans le Sud dans la
période post-Reconstruction et s’est étendu – dans un moindre degré – à travers la
nation, Jim Crow. Il a duré jusqu’aux années 1950. La privation systématique des
droits électoraux des Noirs, et dans certains cas, des Blancs pauvres, n’a pris fin que

2 ALEXANDER, D., “Forty Acres and a Mule: The Ruined Hope of Reconstruction”,
http://www.neh.gov/news/humanities/2004-01/reconstruction.html.

dans les années 1960, suite au passage de la législation nationale pour les droits
civiques.
Les citoyens Noirs n’ont jamais cessé de lutter pour leurs droits. Ils tentaient, par la
voie juridique, en créant des associations, et des syndicats d’améliorer leur sort dans
la société américaine. Pourtant, à partir de 1955, la stratégie a changé. L’approche
juridique a cédé à un mouvement de masse de direct action, tels que le boycottage,
les sit-in, et d’autres tactiques qui s’appuyaient sur la mobilisation des masses, la
résistance non-violente, et la désobéissance civile. Manning Marable a appelé la
période du Mouvement des droits civiques, de 1954 à 1968, la Seconde
Reconstruction 3 . Alors que la Première Reconstruction a aboli l’esclavage et a
donné (brièvement) le droit de vote aux hommes Noirs, la Seconde a réussi à interdire
la ségrégation dans les lieux publics et à rétablir le droit de vote des citoyens noirs.
Beaucoup considèrent le célèbre discours de Martin Luther King (« I Have a
Dream ») lors de la Marche sur Washington comme l’un des événements les plus
monumentaux de cette période. Mais s’il y a eu un moment crucial pour les droits
civiques, c’est les trois marches de Selma à Montgomery dans l’Alabama, y compris
le « Dimanche Sanglante ».
En 1961, des 15 000 Noirs qui avaient l’âge de voter dans le comté de Dallas
(Alabama), seulement 130 se sont inscrits sur la liste électorale. Plusieurs activistes
dans la communauté tentaient d’aider d’autres Noirs à s’inscrire sur la liste dans les
années 1950 et 1960 mais les officiels locaux et ceux de l’Etat ont bloqué leurs
efforts. Le 7 mars 1965, 600 marcheurs sont partis de Selma pour commencer une
marche de 87 kilomètres (54 miles) vers Montgomery, la capitale de l’Etat. Ils
marchaient pour attirer l’attention sur leur lutte mais aussi pour commémorer la mort
de Jimmie Lee Jackson, tué par un agent du CRS pendant qu’il essayait de protéger sa
mère lors d’une démonstration. Ce jour, le « Dimanche Sanglant », à la vue des
photographes et des journalistes, les officiers ont brutalement agressé les
manifestants, les aspergeant de gaz lacrymogène et les frappant violemment. Les
images ont fait le tour des Etats-Unis. Quand Dr. King a appelé pour une seconde
marche le 9 mars, 2 500 personnes, choqués par les images qu’ils ont vu, ont répondu
à cet appel. Cette marche était plutôt symbolique : les manifestants ont marché
jusqu’au Edmond Pettus Bridge, le lieu des brutalités du Dimanche Sanglant et sont
retournés à Selma, afin d’éviter d’enfreindre la décision judiciaire qui les empêchaient
de marcher jusqu'à Montgomery. Dix jours plus tard, un juge fédéral a déclaré que
l’Etat n’avaient pas le droit d’empêcher les manifestants d’aller jusqu'à Montgomery.
Pour cinq jours et quatre nuits, les manifestants marchaient sous la pluie et dans le
froid. Cinq mois plus tard, le 6 août 1965, Président Lyndon Johnson signa le Voting
Rights Act de 1965.
A partir de 1966, l’émergence du mouvement de Black Power, a élargi les buts du
Mouvement qui a inclu la dignité raciale, l’autosuffisance économique et politique, et,
pour certains groupes, séparatisme et révolution. La frustration qu’avaient certaines
personnes avec la lenteur des réformes, les critiques de l’approche non-violente pour

3 MARABLE, M., Race. Reform and Rebellion: The Second Reconstruction in Black America, 1945-
1982.

combattre le racisme et l’inégalité, et le rejet de la déségrégation comme l’objectif
ultime a abouti dans une approche plus radicale.

.
Les politiques présidentielles et la communauté Noire
Au 20 e siècle, l’engagement des Afro-américains dans les élections présidentielles a
pris deux formes :
1) les activistes Noirs essayaient de contourner le système de deux partis en se
présentant comme des candidats d’un troisième parti, ou comme candidat dans une
formation politique entièrement noire ou comme candidat/membre d’une parti
socialiste ou libérale. En 1960, Reverend Clennon King et Reginald Carter se sont
présentés comme candidats aux fonctions de Président et Vice-Président pour le Afro-
American Party. En 1968, Charlene Mitchell a été la première candidate noire à la
présidence pour le Communist Party. La même année, Paul Boutelle se présentait à la
vice-présidence pour le Socialist Worker’s Party, et Eldridge Cleaver, le Ministre de
l’Information pour les Black Panthers a été candidat pour le Peace and Freedom
Party ;
2) les activistes faisaient un effort concerté pour maximiser la participation de
l’électorat noir pour élire un candidat blanc spécifique. Dans ce cas, ils pouvaient
former une marge décisive de victoire au cas ou l’électorat blanc était également
divisé entre les deux partis. Cela n’est arrivé que deux fois dans l’histoire récente. En
1960, le candidat John F. Kennedy a tenté de séduire l’électorat noir avec des
promesses d’engagement à propos des droits civiques et de la pauvreté. Il a reçu entre
69% et 77% du vote national des Afro-américains. Dans l’élection présidentielle de
1978, entre 90% et 93% des électeurs Afro-américains ont soutenu Jimmy Carter, lui
fournissant ainsi la marge de la victoire. 4
Pourtant, une femme, Shirley Chisholm, a lutté contre cet ordre établi quand elle s’est
présentée, en 1972, comme candidate pour la nomination présidentielle du parti
démocrate.
Shirley Chisholm : la femme qui a bouleversé l’ordre établi
Quatre ans avant sa campagne historique pour l’élection démocrate, elle était la
première femme noire élu au Congrès américain et a été l’une des fondateurs du
Congressional Black Caucus. Sa première année en tant que Représentante, elle a
choqué bien des gens en demandant d’être nommé à un autre portefeuille que celui
que lui donnait le Comité de l’agriculture – car elle estimait qu’il était mal choisi vu
qu’elle représentait un district urbain. Ce refus de suivre le statu quo quand elle a
déclaré lors du lancement de sa campagne que « Il n’y a pas que les hommes blancs
qui peuvent diriger le bateau de l’Etat. Peu importe le résultat, ils seront obligés de
se souvenir qu’une femme de 46 kilos a bouleversé des choses ». 5

4 MARABLE, M. Black American Politics: from the Washington Marches to Jesse Jackson. p. 248-
250.

Elle a déclaré qu’elle ne se présentait ni comme la candidate des femmes ni comme la
candidate des Noirs mais comme la candidate du peuple. Elle a basé son plateforme
électorale sur la défense des droits civiques, les droits des femmes, la justice
économique et sociale, et contre la guerre au Vietnam. Elle croyait que le
gouvernement n’avait plus le sens des réalités du peuple et elle comptait défendre les
droits des sous-représentés.
Même si elle n’a gagné aucun primaire, elle a réussi à acquérir 152 délégués pour la
Convention Démocrate. Shirley Chisholm savait qu’elle avait très peu chance de
gagner la nomination pour le parti mais elle a lancé cette campagne pour combattre le
statu quo et inspirer d’autres. Dans son livre The Good Fight, qu’elle a écrit en 1973,
elle soutient ceci : « La prochaine fois qu’une femme, ou un Noir, ou un juif ou
quelqu’un d’un groupe que le pays ‘n’est pas prêt’ à élire au poste le plus important
[de ce pays] se présente, je crois qu’il ou elle sera pris au sérieux dès le début… Je me
suis présentée parce qu’il fallait que quelqu’un soit le premier. Tout le monde est
censé avoir la possibilité d’être candidat à la présidence mais cela n’a jamais été
réellement vrai ». 6
Ces mots se sont avérés prophétiques car le prochain candidat présidentiel noir a
profité d’un acceptation plus immédiat que celui de Mme. Chisholm.
Jesse Jackson et Barack Obama :
Beaucoup considère la campagne de Jesse Jackson pour la nomination présidentielle
du parti démocrate en 1984 et 1988 comme le précurseur directe de celle de Barack
Obama. Même ceux qui ne soutenaient pas sa campagne reconnaissaient son exploit.
Dans un article écrit en 1984, l’auteur a suggéré que Jesse Jackson a émergé
« comme un personnage historique majeur…un pionnier de la taille de [Martin Luther
King]. Il n’y a aucun doute que désormais il y aura toujours un Noir comme une
force indépendante dans les politiques nationales démocrates, et la politique aux
Etats-Unis ne sera jamais la même » 7 .
Même si Jackson a été considéré comme le candidat des Noirs, et quelques points de
son programme électorale ne concernaient que la communauté noire, il parlait des
problèmes de tous ceux qui étaient laissés à côté par le système, mais il parlait d’une
perspective Afro-américain et ses expériences en tant qu’Afro-américain a infusé son
message. En 1983, il a déclaré « Cette candidature n’est pas uniquement pour les
Noirs. C’est une campagne nationale tirée de l’expérience noire et vu sous l’angle
d’une perspective Noire —qui est l’expérience et la perspective des rejetés » 8 .
En 1984, Jackson a atteint la troisième place avec 3,5 milliards de votes. En 1988, il a
pris la deuxième place avec plus de 7 milliards de votes, plus de votes que Walter
Mondale, le candidat pour le parti en 1984, et 1 281,5 délégués à la convention, plus
qu’aucun autre candidat de la seconde place a gagne dans l’histoire 9 .
5 “In Search of a Black Strategy”, Time, 20 decembre 1971,
http://www.time.com/time/magazine/article/0,9171,878959,00.html.
6 NICHOLS, J. “Shirley Chisholm’s Legacy”, The Nation, 4 janvier 2005.
7 MARABLE, Black American Politics, p. 247.
8 MARABLE, Black American Politics, p. 247.

Contrairement à la campagne de M Obama, la base électorale de Jackson venait
majoritairement de la communauté Afro-américaine, bien qu’il avait fait une
incursion dans les communautés hispaniques, asiatiques et amérindiennes. Lors des
primaires de 1984, 35% des Latino-américains ont voté pour lui dans l’Etat de New
York, 1/5 des votes des électeurs Latino-américains de Californie, et il a reçu 14% du
vote du caucus en Arizona, un état avec une population Noire de seulement 3 pour
cent avec l’appui de plusieurs leaders Amerindiens de cet Etat 10 .
Les Blancs ne composaient qu’une minorité de ses supporteurs. Dans un sondage
publié en mai 1983, Jackson a été le premier choix pour 42% des électeurs Noirs
démocrates, contre seulement 3% des électeurs démocrates blancs 11 . Parmi les
électeurs blancs, il a gagné le soutien des activistes de gauche libérale et des cols
bleus. Cependant, pour la plupart des américains blancs, la campagne de Jesse
Jackson n’était pas prise au sérieux. Selon un sondage d’avril 1984, 18% de tous les
blancs affirmaient qu’ ‘ils ne voteraient pas pour un homme Noir pour la présidence,
même s’il était qualifie et était le nomine du parti’. Le théoricien politique, Clarence
Lusane a observé, « À l’exception d’une proportion relativement restreinte de
progressistes, les blancs de tous les classes sociaux ont rejeté la candidature de
Jackson. Pour le dire franchement, les blancs de la classe ouvrière n’ont pas répondu
en grand nombre à l’appel de l’arc-en-ciel » 12 . Cela est assez surprenant vu que
Jackson était beaucoup plus à gauche que les autres candidats et soutenait clairement
les droits des travailleurs. Frank Watkins, son attaché de presse a affirmé que « Les
ouvriers ne l’ont pas [soutenu] parce qu’ils sont racistes. Les organisations des droits
civiques ne l’ont pas fait à cause de la jalousie. Les femmes ne l’ont pas fait parce
qu’elles étaient méfiantes ». ACORN, une association qui défend les droits des
familles de bas et moyens revenus, était la seule organisation qui n’était pas
majoritairement noire à le soutenir.
M. Obama doit beaucoup à Jesse Jackson. Les deux campagnes de Jackson a eu
trois effets sur le paysage politique américain : 1) l’expansion de la base électorale
du parti démocrate avec des milliards de nouveaux électeurs Noirs et jeunes, une base
qui constitue une majorité des supporteurs de M. Obama  ; 2) le concept d’une
rainbow coalition  (coalition arc-en-ciel), une coalition incluant l’éventail des
électeurs de tous les races et des croyances, et ; 3) le changement des règles du
système des primaires, avec l’abolition des primaires majoritaire (winner takes all).
Sans ce changement, M. Obama aurait souffert d’une perte de délégués beaucoup plus
importante dans les primaires de la Californie, le New Jersey, l’Ohio et la
Pennsylvanie 13 .
M. Obama se base aussi sur une plateforme multiculturelle mais, à la différence de M.
Jackson, il s’exprime dans un langage plus universaliste. Ceci est peut-être l’une des
clefs du succès d’Obama. On peut attribuer cette approche universaliste au fait que
d’une part, M. Obama est issu d’une famille multiculturelle (son père est kenyan, sa
mère, une Blanche de Kansas) ; d’autre part il a passé quelques années de son enfance
9 WYPIJEWSKI, J., “The Rainbow’s Gravity”, The Nation, 15 juillet 2004.
10 MARABLE, op. cit.
11 MARABLE, ibid., p. 257.
12 MARABLE, ibid., p. 282.
13 COBBLE, S., “From King to Obama”, The Nation, 26 aout 2008.

en Indonésie, etc.. Evidemment, son identité de métis dans une société qui continue à
diviser le monde entre noir et blanc, informe sa perspective politique. De la même
façon que le fait d’avoir grandi dans le Sud avant et pendant le Mouvement pour les
droits civiques a eu un effet sur ses politiques.

Les différences entre les générations expliquent aussi les approches divergentes.
Jesse Jackson a grandi dans une Amérique ségrégationniste. Il a vu, et vécu, les
turbulences et les accomplissements de cette période. Quant à Barack Obama, il
n’était qu’un enfant à l’époque du Mouvement. Cornell Belcher, un sondeur de 38
ans qui travaille pour M. Obama affirme que « Les gens avec qui je travaille sont le
nouveau black politics. On ne porte pas cette histoire avec nous. On regarde le
monde à travers des yeux post-Mouvement » 14 . Tandis que les politiciens Noirs de la
génération précédente se considéraient comme les pourparlers des Afro-américains.
Ils considérèrent la confrontation avec un establishment blanc et fondamentalement
raciste leur travail. Obama, et ses confrères, font partie d’une génération qui se voient
plus comme des ambassadeurs des communautés Afro-américaines des représentants
de ces communautés.
Quoi qu’il arrive en novembre prochain, le bilan résumé par M. Obama dans son
célèbre discours sur la question raciale aux Etats-Unis : « L’erreur profonde du
sermon de Révérend Wright n’est pas qu’il a parlé du racisme dans notre société.
C’est qu’il a parlé comme si nous vivons dans une société statique ; comme si on n’a
fait aucun progrès ; comme si ce pays… est toujours irrévocablement lié à un passé
tragique. Mais ce que nous savons – ce que nous avons vus – est que l’Amérique peut
changer. Ceci est le génie de cette nation. Ce qu’on a déjà accompli nous donne de
l’espoir – l’audace d’espérer- pour ce que nous pouvons et devons accomplir
demain ».

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