Depuis la nuit des temps, que ce soit à travers les récits, les symboles ou les représentations, toutes les civilisations ont entretenu avec le monde animal des rapports singuliers. Grottes ornées de la préhistoire, divinités égyptiennes, mythes de l’antiquité grecque ou romaine, panthéon indien ou des Amériques, bestiaires du moyen age occidental, croyances populaires, partout les animaux accompagnent la destinée des hommes.
Sur le continent africain leur présence est littéralement envoûtante, dans les mythes fondateurs, la magie, les rituels, la création, l’organisation sociale.
Les masques en particulier, qu’ils soient de factures réalistes ou abstraites, zoomorphes ou associés à des traits humains, sont les éléments les plus visibles de cette réalité. Porteurs de l’énergie des animaux qu’ils mettent en scène et dont la symbolique peut varier selon les cultures (force ou pouvoir pour le lion, l’éléphant ou le buffle, ruse pour la hyène ou le singe, vitalité pour l’antilope immortalité pour le crocodile…) ils sont présents lors des moments essentiels de la vie. Entre les mains des sociétés secrètes, Ils participent à l’initiation des jeunes, ils accompagnent les morts dans les rites funéraires, rythment les moments de la vie agraire, sont consultés dans les processus de divination, exécutent les décisions de police et de justice. Ils représentent surtout les totems des familles, des clans et des villages, garant de la santé et de la fécondité des hommes, dont la présence protectrice est réactivée dans les grandes cérémonies cycliques qui font revivre le temps des origines.
Au-delà de pratiques dont la complexité a totalement échappé aux sociétés occidentales qui ne voyaient là que superstition et naïveté, ce rapport au règne animal montre à quel point les hommes de l’Afrique traditionnelle vivaient en symbiose avec la nature. Se dessine ici une relation au monde qui repose sur le principe fondamental du respect de la vie sous toutes ses formes et qui se manifeste dans la recherche permanente d’un équilibre fragile entre l’homme et l’univers, perçu comme un réseau de correspondances d’énergies et de forces vitales.
Cette perception des choses avait pour conséquence en Afrique comme dans toutes les sociétés du monde qualifiées de « primitive » une attention particulière vis-à-vis des animaux qui n’étaient chassés ou sacrifiés que dans des conditions particulières avec le soucis permanent de ne prélever dans la nature que le strict nécessaire après avoir accompli des rituels propitiatoires et des offrandes aux esprits du gibier que l’on allait tuer.
En rejetant ces croyances nos sociétés contemporaines semblent avoir abandonné la sagesse qui les animait. Baleines, dauphins, phoques, éléphants sont aujourd’hui menacés. En l’espace d’un siècle la planète a perdu plus d’espèces animales que depuis les origines. Il en est de même pour la flore et toutes les richesses naturelles. Déforestations, épuisement des sources d’énergies, catastrophes écologiques, destruction de cet environnement que ces vieilles cultures animistes avaient si bien su respecter. Ce respect que nous n’avons plus pour les animaux massacrés, élevés en batterie pour la boucherie ou à l’inverse domestiqués et anthropomorphisés jusqu’au ridicule dans les salons de coiffures, les cabinets de psychanalyse et autres lieux de villégiature pour chiens et chats.
Il nous reste à méditer la phrase de Gandhi « On peut juger de la grandeur d’une nation à la façon dont les animaux y sont traités » … Pourtant même dans l’Inde moderne, puissance émergente du XXIe siècle, les vaches sacrés sont aujourd’hui chassées du centre des grandes villes.
Paul M. (Afiavimag)