La passion pour l’art africain

 

Monsieur et Madame Sargos n’étaient vraiment pas destinés à détenir une telle collection d’art africain. Quand ils se sont rencontrés pour la première fois en 1970, Patrick Sargos était un passionné de guitare et chantait Brassens. Présentés par des amis respectifs, ils se marièrent deux années plus tard. Aujourd’hui et après quelques voyages sur le continent africain, ils possèdent une extraordinaire collection d’objets d’art africain. Ils ont accepté de nous raconter l’histoire de cette étonnante acquisition.

Afiavi Magazine : Comment est née votre passion pour l’art africain ?

Catherine Sargos : Je suis issue d’une famille qui résidait à Bordeaux. Ma maman était collectionneuse d’objets hétéroclites et, dès mon plus jeune âge, je me régalais en chinant dans les brocantes et j’aimais beaucoup les petites choses insolites, notamment les portraits et les caricatures.

Patrick Sargos : Je n’étais pas du tout intéressé par cet art. C’est ma femme qui m’a transmis cette passion et aujourd’hui, je l’en remercie.

L’idée de création de votre propre collection a pris place lors de quel voyage sur le continent africain ?

Catherine et Patrick Sargos : Nous avons commencé à acheter des perles anciennes mais aussi des coffres de Mauritanie lors de notre premier voyage dans ce pays en 1974. C’est après cette escapade mauritanienne que l’idée d’une collection d’objets d’art africain a émergé. Nous avons exactement trouvé dans cet art ce que nous recherchions depuis fort longtemps, sans le savoir. Nous sommes ensuite partis au Sénégal en 1981. Là, nous avons commencé à acheter des objets, uniquement pour leur aspect esthétique, sans savoir ce que pouvait représenter un authentique. Ensuite, nous avons eu la grande chance de rencontrer un antiquaire togolais passionné par cet art et très reconnu dans son milieu. Il nous a guidés, éclairés et cela a confirmé notre envie première de nous doter de notre propre collection.

Quelle est l’histoire la plus surprenante que vous pouvez nous raconter concernant votre quête d’objets ?

En 1985, un forgeron maure, d’une caste intermédiaire, nous a indiqué un lieu dans le désert du Ferlo au Sénégal, où on pouvait trouver de très beaux coffres. C’était un campement, mais il se situait à 500 km. Arrivés trop tard, nous avons été obligés de nous débrouiller par nos propres moyens. Cela a duré jusqu’à 10 heures du soir en suivant les traces du bétail, à la lumière des phares, pour trouver un autre campement. Une fois arrivés, nous y avons découvert l’un des plus beaux coffres de notre collection et ce par le plus grand des hasards.

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Comment avez-vous négocié ?

Nous étions arrivés avec des sacs de riz et des médicaments. Attention, il ne faut surtout pas les donner directement aux employés, ce qui pourrait les blesser en raison de leur pauvreté! Nous avions des scrupules vis-à-vis de la population mauritanienne car ces coffres sont leurs derniers biens propres. On n’envisageait pas de les acheter car de toute façon on ne parle pas d’argent là-bas. En effet, les négociations peuvent durer très longtemps jusqu’à deux années parfois! On a alors voulu leur acheter des bijoux pour ne pas trop montrer ce par quoi nous étions intéressés. Nous avons acheté le plus insignifiant en laissant le plus gros billet possible.

Avez-vous été marqués par le contraste avec notre vie actuelle ?

Oui, c’est effrayant nous nous sommes retrouvés au XIX ème siècle. La seule chose qu’ils possédaient, c’était des pneus dans des charrettes tirées par des ânes. Les outres (NDLR : sacs en peau de bouc pour contenir des liquides) étaient encore en mouture. Les personnes de ce campement n’avaient jamais vu une orange ou un pamplemousse et certains même, jamais un blanc…

Que ressentez-vous lorsque qu’une pièce que vous convoitez depuis longtemps devient vôtre ?

Une très grande émotion s’offre à nous et nous gardons un côté enfant tellement nous sommes heureux ! Un ami camerounais, un des principaux artisans de notre collection, qui sera par ailleurs mis en avant dans notre livre, arrive souvent chez nous avec des objets ramenés d’Afrique. Ces déballages sont des moments de grande émotion et, un soir, un de nos amis allemands y a participé. Il a été stupéfait par ces merveilleux objets qui nous parvenaient mais aussi par les cafards qui s’échappaient des sacs. On se trouve vraiment dans l’authentique. Il nous a avoué que c’était l’une des plus belles soirées de sa vie !

Qu’est-ce qui fait l’authenticité d’un objet ?

Il faut tout d’abord savoir que nous avons 99,99% de chance de tomber sur un faux. Le marchand doit pouvoir affirmer que l’objet vient de telle ou telle collection ou bien que sa date de création est inférieure aux années 1930. Le pedigree pour rassurer l’acheteur est un élément déterminant. Quand on voit le nombre de marchands ambulants à Paris, à la sortie des galeries d’art africain qui démarchent pour vendre des faux, c’est tout simplement catastrophique.

Dans quelles villes avez-vous exposé jusqu’aujourd’hui ?

Nous avons débuté par une première exposition à Biarritz en avril 2008, nommée : Afrique ; de la pensée magique au miracle de l’Art. Nous avons ensuite exposé à Oyonnax, à Aulney-sous-Bois, puis à Gray.

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L’exposition d’Agen est-elle différente des autres et, si oui, en quoi ?

On ne peut pas dire qu’elle soit similaire. Bien qu’il y ait des objets présentés en commun sur l’exposition de Biarritz et d’Agen, elle sera novatrice. Une partie de cette exposition sera consacrée aux coffres de Mauritanie (prémices de cette exposition en 1993 au musée d’Aquitaine : Mauritanie terres des hommes) première information publique sur le sujet. Quatorze coffres seront présentés dans le chef-lieu lot-et-garonnais. Cet art islamique prend sa place en plein cœur de l’Afrique. Ce monde à part nous touche particulièrement c’est pourquoi nous avons voulu le mettre en valeur.

Un livre sera associé à l’exposition pour présenter plus en détails les pièces exposées mais aussi des inédites. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Le livre sera composé de 336 pages et coûtera 30 euros. Nous avons participé à sa subvention pour qu’il soit le moins onéreux possible, en en commandant de nombreux exemplaires. La création de ce livre nous a pris une année entière. Il comprendra des reportages inédits, notamment un réalisé par notre fils présentant la consécration d’un fétiche, chose jamais vue nulle part. Il a fallu l’édulcorer car c’est vraiment un rite religieux, assez impressionnant… C’est un acte traditionnel et une coutume tout à fait normale, réalisés pour le bien de la communauté africaine, mais très mal perçus en Occident.

 

 

Propos recueillis par Clément Coyral (Afiavimag)

 

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