Pierre-Michel Delgay Consul béninois à Bordeaux

Il y a une chose dont on est sûr : c’est un homme heureux. Son bonheur ? le service et l’administration de ses compatriotes en Aquitaine. Travailleur infatigable, ce sexagénaire cumule les qualités humaines : élégance, bonhomie, ouverture… De plus, son patriotisme se révèle dans la qualité de ses rapports avec ses compatriotes. Sa philosophie : « servir son pays sans rien attendre en retour » Son seul regret ? « Ne pas être plus jeune pour le servir encore davantage ».  Dans les locaux consulaires sis au croisement de la rue Peyronnet et du Cours de la Marne, l’élan du Consul honoraire est à l’image de son optimisme pour le Bénin.

Afiavimag : Comment appréciez-vous l’insertion et l’intégration de la population béninoise à Bordeaux ?

Pierre-Michel Delgay : C’est une communauté composée en majeure partie d’étudiants ou d’anciens étudiants qui ont fait souche à Bordeaux. On trouve des Béninois dans des domaines très différents, comme la médecine, la grande industrie, et différentes fonctions après être sortis des grandes écoles. Ils sont mariés, pour la plus part, et sont restés dans la ville où ils ont trouvé leur place. A bordeaux, ils se sont intégrés tout naturellement comme partout ailleurs en France. J’en ai donc une excellente appréciation car ce sont des gens de qualité, un peu individualistes au sens positif du terme, effacés, calmes, et qui ne font pas parler d’eux. Ils sont aussi accueillants et pacifiques. Du reste, le Bénin, on n’en entend parler ni en bien ni en mal. En plus de tout cela, il faut noter d’autres raisons. De nos jours avec internet et les moyens de communications modernes les jeunes s’adaptent très vite aux circonstances. Ils évoluent plus vite que nous, et leur adaptation est, par conséquent, plus facile. Les moyens de communication viennent ainsi faciliter les choses du fait de l’interconnexion du monde. Avec l’avion, on peut visiter en un temps record le monde entier et rapidement voyager d’un point à un autre. Cela accélère le brassage culturel et par conséquent, les mentalités évoluent et c’est tant mieux.

La discrétion du Béninois est-il un avantage ou un inconvénient?

PMD : Il faut que vous sachiez qu’à Bordeaux, dans ma circonscription, j’ai plus de 1000 inscrits ici au Consulat, sans compter les nombreux binationaux qui ne jugent pas utiles de s’immatriculer certainement par discrétion ou par retenue. Reconnaissons que ce trait de caractère est certainement dû au côté quelque peu « Quartier Latin de Afrique » de notre pays. En effet, je me permets de vous rappeler que le Bénin, ex Dahomey, a été durant la colonisation française un réservoir important de cadres qui assuraient des fonctions de direction ou d’encadrement en Afrique de l’Ouest et ailleurs. Autrement dit, la France coloniale prenait principalement ses cadres au Dahomey même si elle en recrutait dans d’autres pays d’Afrique. Est-ce, cette antériorité des rapports très positifs entre le Bénin et la France qui explique l’attitude de nos compatriotes en France ? On peut se le demander si l’on considère les fortes similitudes entre le Béninois et le Français. Le Béninois est naturellement intelligent, un peu moqueur et râleur… tout comme un Français . Serait-ce ces qualités et défauts qui facilitent leur intégration dans la société française au point qu’on n’en parle même pas? A vous de le dire.

Quel est l’apport de la diaspora béninoise au développement de son pays ?

PMD : D’abord, je suis convaincu qu’un Africain, si on lui en donne les moyens, quelle que soit sa nationalité, a, avant tout, le désir de rentrer chez lui. Je pense qu’il va rentrer parce qu’avec un minimum de moyens la qualité de vie chez lui est souvent meilleure qu’en France. C’est le cas au Bénin.  Ceci pour dire que nombre de Béninois en France souhaiteraient rentrer chez eux. Et nombreux sont ceux qui parmi eux contribuent déjà au développement du pays en montant des affaires, quelle qu’en soit d’ailleurs la dimension. La plupart des ressortissants sont dans le domaine de la santé et investissent dans la création de centres de santé, de cliniques, dans l’imprimerie, dans divers métiers de l’artisanat, comme la menuiserie et la ferronnerie. Tout cela, c’est de l’investissement même si ces activités n’ont rien à voir avec les entreprises multinationales.

Comment se porte le Bénin aujourd’hui ?

PMD : Le pays ne se porte pas si mal que ça. La crise mondiale a eu des répercussions sur l’Afrique et ne l’a pas épargné. Mais le Bénin a la chance d’être un pays agricole où tout le monde mange à sa faim. A mon avis, le pays progresse. On se déplace de mieux en mieux car les infrastructures ont été bien améliorées ces dernières années. Ainsi, dans tout le pays les infrastructures routières sont bien présentes et contribuent à une libre circulation des personnes et des biens, même s’il y a encore des efforts à faire. Le problème de la circulation des poids lourds est toujours là. Mais comment résoudre ce problème! Les voies ferrées étant inexistantes, il est très difficile de canaliser valablement le trafic routier desservi par les  routes inter États qui traversent de part en part les pays d’ Afrique. Cela est vital pour un développement harmonieux de la sous région. Mais la conséquence est que les nombreux poids lourds contribuent beaucoup à la détérioration des infrastructures. Dans d’autres domaines comme l’immobilier, on sent là encore, que les choses bougent. On construit à tour de bras au point qu’il faille même réfléchir déjà aux zones d’attributions des logements, aux conditions et aux normes de construction. Mais comme vous le savez, « qui va piano va sano ». Le Bénin va à son rythme. Il suit son chemin sous l’impulsion du Président de la République, le docteur YAYI BONI et déjà, avec son élection, beaucoup de choses ont changé dans le pas.

Au sujet des dernières élections on ne parle que des 3 millions de votants. Que pensez-vous du reste ?

PMD : Bon ! Soyons clair ! Nous devons reconnaître, sans faire de politique, que le Président YAYI BONI est en train de lutter contre les phénomènes tentaculaires que sont la corruption et la fraude. Il s’agit de fléaux très difficiles à combattre. Changer les mentalités est un défi de tous les jours. Croyez bien que commencer à donner des coups de pied dans la fourmilière pour combattre les mauvaises habitudes est un acte courageux qui n’est pas sans risque. Du coup, certaines personnes qui étaient avec vous se retournent contre vous parce que vous n’êtes plus du même bord. Pour ce qui concerne vos chiffres, je ne suis pas sûr qu’ils soient bien exacts. Pour ce que je sais, une liste précise a été établie par l’Autorité indépendante pour éviter toute contestation. A Bordeaux, nous avons voté, et avec un procédé informatique rigoureusement sécurisé, de qualité. L’Autorité indépendante chargée de procéder à l’enregistrement des ressortissants ne prenait pas seulement les empreintes des indexes, mais des dix doigts, en plus de la photo. C’est vous dire les précautions prises pour aboutir en bout de couse, à la remise d’une carte d’électeur infalsifiable pouvant servir aussi de carte d’identité.  Pour des raisons X ou Y , au Bénin, il se trouve que lors de ces opérations, certaines personnes, peut être pas très bien intentionnées, ont conseillé à leurs électeurs de retarder leur recensement ou simplement de ne pas se faire référencer. Les délais impartis pour l’enregistrement ayant expirés beaucoup de Béninois, mal conseillés ou mal informés, se sont retrouvés privés de la carte d’électeur. C’est, sauf erreur de ma part, les informations que je porte à votre connaissance.

 Y a-t-il eu des contestations lors de ces élections ?

C’est très normal qu’il y ait des contestations. Je trouve cela d’autant plus normal que le Bénin est un pays démocratique. En plus, on ne peut jamais faire plaisir à tout le monde malgré toute la bonne volonté du monde. Il y aura toujours des critiques, et cela est salutaire car c’est la preuve que la personne ou l’instance critiquée, existe. Des contestataires, il y en a eu et il y en aura toujours, et c’est tant mieux. Dans une élection, il y a un gagnant et un perdant. Celui qui perd a le droit de contester, il est dans son rôle.

La France a-t-elle un apport social particulier au Bénin ?

PMD : Avec L’OMI (Office des migrations internationales), la France proposait déjà des aides pour le retour de citoyens africains dans leurs pays. Je crois que cela continue  avec l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’intégration). Il y a donc des aides qui sont apportées à ceux qui le désirent pour lancer des projets de développement. En ce qui concerne le Bénin, je sais que plusieurs de mes compatriotes sont rentrés avec des projets et que ces derniers ont été finalisés au pays. Pour une bonne harmonie, la plupart de ces projets sont suivis par le Consulat de France à Cotonou. Ce ne sont pas forcément des gros projets, mais ils permettent de vivre très honorablement, notamment dans l’artisanat. Ce sont là des exemples de projets concrétisés avec l’aide de la France. C’est une action importante qui contribue au développement économique du Bénin en participant à la Francophonie.

Quelle politique menez-vous pour dynamiser le Consulat ?

PMD : Ma politique est dictée par mes autorités qui sont à Paris. J’applique strictement ce que l’on me dit de faire et je suis très respectueux de ma hiérarchie. Vous devez savoir que je suis aidé dans ma tâche par deux assistants bénévoles qui ne comptent pas le temps passé à œuvrer pour le pays. C’est un travail d’équipe qui se fait au mieux  des intérêts des ressortissants vivant dans les 13 Départements de la circonscription en France. Les choses se passent très bien, même s’il y a quelques différences en ce qui concerne le niveau de mobilisation d’un Département à l’autre. Par exemple, le reproche que je pourrais faire aux ressortissants bordelais, c’est la difficulté à créer d’une manière pérenne une association de Béninois, à l’exemple de nos amis Sénégalais, qui ont, eux, une association performante. Pourtant, sur Toulouse, il existe depuis maintenant 10 ans une association des Béninois, dénommée A.B.E.S.S.O, qui est très vivante et qui fonctionne parfaitement bien. Chaque année elle organise une très grande manifestation fin avril début Mai en l’honneur du Bénin pour faire découvrir le pays sous ses meilleurs aspects. C’est un événement important avec une participation de toutes nationalités africaines et bien sûr celle des Français.

Quelles relations entretenez-vous avec les autres Consulats africains à Bordeaux ?

PMD : Excellentes. Nous sommes très fiers d’avoir, depuis quelques années, un Consulat Général africain en Aquitaine, représentée par Monsieur Momar Thiame, Consul Général du Sénégal. Cela rehausse un peu plus l’Afrique, c’est important pour l’image du continent.

Que regrettez-vous dans cette fonction consulaire ?

PMD : Je ne regrette qu’une chose : c’est le fait de ne plus être jeune. Car, s’il m’était possible de revenir en arrière, sachant ce que je sais, avec l’expérience acquise, je me serais davantage investi dans mon travail, certainement d’une manière différente, pour aborder les problèmes inhérents à la diaspora, et représenter le Bénin d’une manière encore plus flamboyante. Car l’avenir, c’est la jeunesse. Toutefois, il est vrai que je ne suis que Consul honoraire et je ne dispose pas des mêmes moyens que les Consuls de carrière.

J’aime le pays que j’ai l’honneur de représenter,  je me plais à le servir sans attendre quoi que ce soit en retour. Et, si j’ai un mot de la fin à donner, c’est l’incitation à tous mes compatriotes béninoises et béninois à venir se faire enregistrer pour disposer de la carte consulaire. Grâce à cette carte, qui ne coûte que quelques euros pour une durée de cinq ans, ils pourront bénéficier de nombreux avantages et permettront au Consulat de disposer de statistiques fiables. Comme l’adage béninois le dit : « Mettons ensemble nos doigts dans les trous de la jarre percée pour conserver le précieux liquide »

 

                                                                          Par Patrice CORREA

                                                                                 Afiavi Magazine

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