IL n’est pas de pire Aveugle…

On peut passer à côté de belles choses sans jamais y jeter un œil, c’est même une constante : on ne voit bien que de loin. Cette attitude s’applique encore trop souvent à certaines grandes capitales de l’Hexagone qui, du haut du piédestal de leur histoire, continuent de scruter l’horizon au détriment de leur présent. Bordeaux, notre « Belle Endormie », est toujours en traitement : lifting, cure d’urbanisme… Mais elle a encore du mal à dépasser le stade de l’étirement. La sourdine (générale) avec laquelle a été accueilli le Prix du Jury décerné à Haroun Mahamat-Saleh, l’un de ses fils adoptifs les plus doués de sa génération, est pour le moins révélatrice. Du créatif doté de sa subvention au public à l’origine de celle-ci, ce silence assourdissant est la marque même de la condescendance si souvent reprochée à la capitale de région. Le réalisateur tchadien, issu de la minorité visible, n’est en rien, victime de cette ambiance qui persiste à nier ses différences en reléguant tout un chacun dans ses propres quartiers. Il sera sans doute même reçu avec les honneurs… Dans les salons. Le Bordelais quant à lui, se contentera du service public télévisuel pour apprendre, vaguement, que sa ville a contribué à la formation d’un cinéaste d’avenir. À qui reprocher ce déficit d’information ?Au manque de curiosité culturel ? Non, puisque l’époustouflante exposition d’objets d’art africain, organisée par Catherine et Patrick Sargos, fait église comble à Agen. À la crise économique ? Elle a bon dos, au Maghreb les gens paient pour aller entendre Oum et Malouma. Et s’il s’agissait simplement de l’absence d’un fil rouge qui relierait les uns aux autres ? Les dix grandes villes de France sont autant de capitales de la mixité de proximité. Cette diversité fourmille d’élus, amoureux de leur région, qui se sont engagés auprès de la collectivité. Nicole Saint-Orice, conseillère municipale à Bordeaux, en est un bel exemple. L’année qui s’annonce donnera la parole aux responsables locaux que le Cinquantenaire de la décolonisation africaine ne reniera pas. À défaut d’être vus ils seront entendus.
Soraya Rebah

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