LOUIS DELGRES (1766 – 1802)

Louis Delgrès est une des figures les plus importantes de l’histoire de la Guadeloupe et des Caraïbes. Né « libre de couleur », il figure sur les registres de l’état civil. Les Archives Nationales détiennent un dossier à son nom.

Itinéraire d’un combattant de la liberté

Il naît le 2 août 1766 à Saint-Pierre en Martinique. Il est le fils « naturel » d’une mulâtresse, Elisabeth Morin, et de Louis Delgrès, blanc créole martiniquais, directeur des Domaines du Roi à Tobago. Il est élevé chez ses parents en Martinique et à Tobago et reçoit une solide formation. – Dès 1783, il entre dans la milice. En 1791, il s’exile en Dominique après la prise du pouvoir par les royalistes en Martinique, il participe à l’élection des députés des Iles du Vent à la Convention nationale et rejoint les rangs des républicains. Capturé lors de la prise de la colonie par les Anglais en 1794, il est déporté en France. A sa libération, il reçoit le brevet de lieutenant lors de la formation du bataillon des Antilles en novembre 1794. Il arrive en Guadeloupe en janvier 1795 après la reprise de la Guadeloupe par Victor Hugues avec les Commissaires de la Convention. Il va combattre pour la reconquête de Sainte-Lucie. Il est nommé capitaine, il embarque pour Saint-Vincent au secours des Garifunas ( métis de Caraïbes et de Noirs soulevés contre les Britanniques). Fait prisonnier par anglais, il est envoyé à l’île d’Aix où il retrouve Magloire Pélage. Nommé chef de bataillon, il accompagne les agents de la Convention en Guadeloupe où il arrive le 11 décembre 1799. Il est l’aide de camp du commissaire Baco et du Capitaine général Lacrosse mais il rejoint les officiers « rebelles » lors de l’insurrection. – A partir du 10 mai 1802, il est le chef de la résistance contre les troupes consulaires du général Richepance envoyé par Bonaparte pour rétablir l’esclavage. Devant l’avancée des troupes, il se replie au Fort de BasseTerre, qu’il abandonne le 22 mai et se retire à Matouba au pied de la Soufrière près de Saint-Claude. – Le 28 mai, se voyant perdu, il se suicide à l’explosif avec 300 compagnons dans l’habitation Danglemont. Il met ainsi tragiquement en pratique cette proclamation qu’il avait faite: « Vivre libre ou mourir ».

Une solide formation intellectuelle

Louis Delgrès a une solide formation intellectuelle. Il connaît les arcanes de la politique, comme on le note dans sa proclamation du 10 mai 1802 : « … Le général Richepance, dont nous ne connaissons pas l’étendue des pouvoirs, puisqu’il ne s’annonce que comme général d’armée, ne nous a encore fait connaître son arrivée que par une proclamation, dont les expressions sont si mesurées, que, lors même qu’il promet protection, il pourrait nous donner la mort, sans s’écarter des termes dont il se sert. » Il est un homme de son siècle. Il a lu les philosophes, il défend une idée de la démocratie et se bat au nom de principes qu’il conçoit comme universels: « …dans le siècle de la philosophie, il existe des hommes, malheureusement trop puissants par leur éloignement de l’autorité dont ils émanent, qui ne veulent voir d’hommes noirs ou tirant leur origine de cette couleur, que dans les fers de l’esclavage…La résistance à l’oppression est un droit naturel. La divinité même ne peut être offensée que nous défendions notre cause ; elle est celle de la justice et de l’humanité… »

Louis Delgrès illustre la complexité de l’histoire de la Caraïbe. Il est l’illustration de ce qu’Edouard Glissant appelle le Tout-monde. Créole, métis, il est un « sang-mêlé », serviteur de l’Etat. Né en Martinique, il va prendre la tête de la résistance des rebelles guadeloupéens à l’oppression, contre ceux qui leur refusent la Liberté c’est à dire le droit d’être des Hommes.

Liliane Deriau-Reine Pofesseur d’ Histoire

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