Attiser le désir…

C’est sur scène que les quatre artistes de la compagnie Fabre/Senou élaborent leur spectacle. Les amateurs de danse contemporaine ont rarement l’occasion d’assister à un tel direct, mais le procédé convient car le théâtre Molière de Bordeaux a fait salle comble le 29 avril dernier. 

À l’heure des convenances en tout genre, la compagnie Fabre/Senou se démarque en impliquant son auditoire. Une représentation de 25 minutes précède un échange avec le public. Celui-ci n’est pas habitué à être ainsi interpellé, mais se prête volontiers au jeu, car le naturel et la générosité de la troupe balaient la barrière invisible entre la scène et la salle : le spectacle et l’échange. L’art et la manière en somme, «L’alternative» porte bien son nom.

Malin, le procédé. L’histoire n’est pas terminée, elle ne fait même que commencer. Laisser ainsi le public sur sa faim donne à celui-ci envie d’en voir la fin, courant 2011. Certains spectateurs ne retiendront que les approximations techniques, oubliant qu’elles ne font qu’ajouter à la spontanéité des tableaux présentés et à l’essence même de ce travail. Les nostalgiques de la vraie vie se sont réconciliés quant à eux, avec la prise directe.

Un quatuor efficace

Norbert Senou et Caroline Fabre, les deux chorégraphes, mêlent leurs formations respectives, pour laisser éclater un extraordinaire bouquet d’expressions corporelles alliant classique, jazz et danse africaine. Dans ce registre figure notamment la danse zinli. Danse des funérailles du Bénin qui est, rappelons-le, le berceau du vaudou ; peut-être est-ce pour cela que le zinli s’est transformé avec le temps en danse de réjouissances. Dans cette quête identitaire les chorégraphes associent Mathias Ganhounouto, spécialiste béninois de cette danse ancestrale, mais aussi musicien jouant des percussions au corps. La note urbaine est apportée par le slameur Marco Codja-Fada, qui s’interroge sur sa double culture, béninoise et française. Avec Norbert Senou, il pose la question de l’acceptation de soi et des différences. Le spectacle trouve son apothéose dans la métaphore que propose Norbert Senou, au cours de laquelle il n’hésite pas à se parer comme une femme qui cherche à plaire. Le client étant en l’occurrence l’Occident.
Retour en 2011

La compagnie existe depuis 1995 grâce à Norbert Senou. Sa rencontre avec Caroline Fabre marque le début d’une collaboration artistique qui les conduit à cosigner plusieurs pièces chorégraphiques*.

En 1998, ils ouvrent le centre de danse l’Alternative, à Bordeaux, dédié aux échanges artistiques internationaux, et plus particulièrement avec l’Afrique de l’Ouest. Ils sont régulièrement interpellés dans le cadre de programme d’éducation artistique en partenariat avec le Rectorat et l’Académie.

Le thème de leur travail et de leur collaboration concerne le métissage des corps blancs et noirs, de la relation qu’on entretient avec L’autre, celui qu’on ne connaît pas, mais qui reste un élément de surprise et de curiosité, un objet de convoitise… Le spectacle présentait s’intitule Et alors ?…Si je savais !!! En tout cas, le public sait une chose depuis jeudi soir, c’est qu’il reviendra en 2011 pour assister à la fin des débats entrouverts…

*Dounya (1997) – Sèves de vie (2000) – Wa ko tché mé  bo (2002) – Nou ni na (2003) 
Soraya Rebah (Afiavimag)

 

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