MAMA AFRICA For ever

 

Sur le parvis des droite de l’Homme a champ fleuri, ils étaient plus de 3.000 Réunionnais à braver la pluie pour ce concert déclaré officiellement celui des adieux à la scène de Myriam Makéba. Depuis 1848, date de proclamation de l’abolition de l’esclavage dans toute l’île, les Réunionnais fêtent chaque année le 20 décembre la « Fêt Kaf » (la fête de la liberté), date à laquelle les différentes populations  de l’île célèbrent le vivre ensemble de leur diversité. En 2006, Makeba a choisi St Dénis de la Réunion pour boucler ses 50 ans de scène qui lui ont servi de tribune à travers les 5 continents pour dénoncer l’apartheid.

La vie de cette artiste charismatique se confond avec l’histoire de continent noir. Elle incarne le symbole de l’autre Afrique rarement évoquée, celle qui a survécu aux pires sévices imaginables, cette Afrique encore debout qui continue à panser ses blessures dans la souffrance et l’incompréhension.

La légende Mama Makeba démarre dans les années 50 lorsque par hasard, elle fit entendre sa voix avec les Manhattan Brothers qui la révèlent au grand publique Sud-Africain. Elle séduit tout de suite son auditoire et sa popularité va s’accroitre crescendo. Zenzi (son nom de baptême) a toujours baigné dans l’âpreté de la politique raciale de Pretoria, qui réduisait les Noirs en citoyens sans droits.

Petite fille, elle a vite fait le constat du quotidien des Noirs fait de frustrations et de restrictions. Mais la petite fille qu’elle fut, avait une vie familiale remplie, entourée de ses frères  et sœurs, cousins, sa grande mère et d’une mère qu’elle admirait pour ses facultés d’isangoma*, son abnégation pour ses enfants, et surtout, pour l’avoir accompagnée dans son désir de faire une carrière de chanteuse. Car c’était un préjugé en Afrique du Sud de voir une jeune fille monter sur scène.

Ses déplacements réguliers pour donner des concerts à l’intérieur du pays vont lui permettre d’évaluer le système pernicieux dans lequel les Noirs étaient enfermés. Absence de droit de vote, salaire de misère, limitation des déplacements lui font prendre conscience que les Noirs Sud-africains sont « prisonniers dans leur propre pays »

sa vie va basculer avec le documentaire « Come back Africa » relatif à la vie des Noirs en Afrique du Sud. Elle n’y figure que quelques minutes, dans la scène du cabaret, et cela suffit pour que tous les critiques en Europe s’enthousiasment et cherche absolument à voir la jeune fille sud-africaine.

Lorsqu’à 27 ans, elle part tout naturellement en Europe pour des raisons professionnelles, elle était loin de se douter qu’elle partait pour un exil de 30 ans. Exil au cours duquel elle a vécu une carrière exceptionnelle, adulée dans le monde entier, 30 ans à courir à travers la planète, à dénoncer l’apartheid et à appeler au boycott de l’Afrique du sud sur toutes les tribunes, 30 ans aussi à chanter la tolérance, la paix et le devoir de mémoire. Entre temps, elle verra disparaître sa mère sans pouvoir aller faire le deuil. Elle survivra à un cancer diagnostiqué à ses 33 ans et sa fille unique décédera en Guinée où elles vivaient ensemble pendant que beaucoup de ses proches tombaient sous les balles de Pretoria. Au bout, elle retrouvera une Afrique du sud enfin libérée, dirigée par un président Noir démocratiquement élu. Myriam Makeba revient sereine dans son pays, et son regard sur l’Afrique du sud actuel laisse entrevoir qu’il y a encore beaucoup de chose à changer au niveau des mentalités et des ressentiments des gens. Et cela prendra, du temps.

 

En attendant, il lui semble urgent  de s’attaquer au fléau du SIDA qui est le souci majeur de la jeune démocratie sud africaine. Elle se préoccupe de l’insertion des jeunes filles des twonship en difficulté, en favorisant l’ouverture des maisons d’accueil.  Parallèlement, elle assiste et coache sa petite fille, Zinzi, qui entame une carrière de chanteuse.

 

Yabou (Afiavimag)

 

*(personne possédée par les esprits des ancêtres et qui possède un savoir faire médical)

 

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